Petite histoire résumée de l'éducation en France

Du rôle de l’Eglise dans l’éducation du peuple

Avant le 18e siècle, l'éducation restait le domaine réservé de la famille et du clergé, l'Etat ne joue aucun rôle. Sous l'Ancien Régime, alors que la situation de l'enseignement des milieux modestes est peu reluisante, se développe le rôle du précepteur réservé aux milieux sociaux pouvant en assumer les frais. Malgré une situation qui peut paraître prestigieuse, le précepteur est souvent considéré comme un domestique. Des écoles gratuites s’ouvrent grâce au clergé dès 1550.

C'est le cardinal Richelieu, Ministre de Louis XIII, qui fut l'un des premiers à souhaiter que l'État intervienne dans l'apprentissage des connaissances. Richelieu fonde l'Académie française en 1635 et l'Imprimerie nationale en 1640. Désormais l'éducation n’est plus exclusivement aux mains du clergé mais aussi de l'État. Cependant, elle reste réservée à une élite. 

Par ailleurs, des écoles pour enfants pauvres apparaissent, dirigées par les Jésuites. L'éducation des enfants pauvres parait indispensable si on veut éviter qu'ils deviennent "indociles, joueurs, blasphémateurs, querelleurs, s'adonnant à l'ivrognerie, à l’impureté, au larcin" selon Charles DEMIA (1637-1689), ecclésiastique français, fondateur du séminaire Saint-Charles - premier lieu de formation des maîtres en France - et des sœurs de Saint-Charles.  Ce maintien de l'ordre social par l'éducation va s’imposer progressivement pour atteindre son apogée au 19e siècle.

Un des grands précurseurs de la création de l’école primaire gratuite fut Jean-Baptiste DE LA SALLE (1651-1719). On a désormais un lieu consacré à l'enseignement, avec plusieurs salles par école en fonction du niveau, l’utilisation de livres de classe identiques pour tous, des horaires de cours bien déterminés, de vrais exercices de lecture, écriture, orthographe et d'arithmétique. Tout ceci va contribuer à définir les règles de la pédagogie d’aujourd’hui.

Entre bouleversements politiques et controverses, l’école publique mise à rude épreuve

Au 18e siècle, les avis sont plutôt partagés. L'Eglise vote pour l'utilité de l'école et donne aux enfants du peuple une éducation primaire à savoir lire, écrire et compter. Les philosophes et les élites répondent à cette question par la négative. Voltaire écrit à un magistrat de proscrire l'étude chez les laboureurs : « Moi qui cultive la terre je vous présente requête pour avoir des manœuvres et noms des Clercs tonsurés. »

Après la Révolution française, il y a beaucoup de bonne volonté et d'idées mais une désorganisation totale de l'enseignement pour plusieurs décennies et notamment dans les petites écoles pour les enfants pauvres. En 1793, la Convention projette, en vain, l'obligation scolaire et la gratuité de l'enseignement, même si les premières Écoles normales formant les maîtres datent de 1794.

Les persécutions religieuses voient disparaître les maîtres et le taux d'alphabétisation chute de 20%. Les écoles privées sont à nouveau permises par la loi et on observe un déclin de l'école publique faute des moyens et du soutien de l'État. 

Jusqu'à la Restauration en 1814, la priorité éducative est donnée au lycée et au supérieur. Sous le Ier Empire, Napoléon met en place une institution scolaire autonome pour l'enseignement secondaire et supérieur : c'est l'Université. Le primaire reste sous le contrôle de l'Eglise. Napoléon 1er instaure le baccalauréat le 17 mars 1808. La première promotion 1809 ne compte que 31 diplômés pour toute la France. Et à partir de 1816, chaque commune a l'obligation de dispenser un enseignement primaire.

Vers la « République des Instituteurs »

C'est avec François Guizot, ministre de l'instruction publique (de 1832 à 1836) sous Louis-Philippe, qu'est votée le 28 juin 1833 la première loi concernant l'enseignement primaire. Elle prévoit notamment la scolarisation des garçons, l'obligation pour chaque commune de plus de cinq cent habitants d'entretenir une école primaire et l'institution dans chaque département d'une école normale pour la formation des instituteurs. Il n'est en revanche pas prévu d'obligation. Il s'agit d'offrir une possibilité d'instruction, en prenant garde de ne pas remettre en cause l'autorité paternelle. De même, le choix entre un enseignement religieux ou laïc est laissé libre. L'enseignement est gratuit pour les indigents. Enfin, l'Eglise garde un rôle prépondérant dans l'organisation de l'enseignement primaire.

C'est François GUIZOT qui lance la construction de 13.000 écoles. Le nombre d'élèves scolarisés passe ainsi de 1,9 million à 2,9 millions. L'école primaire est véritablement lancée.


Surnommé « La République des instituteurs », le Second Empire voit apparaître la loi Falloux en 1850 qui prend en compte l’éducation des filles et affirme la liberté de l'enseignement, renforçant ainsi le rôle des religieux dans l'organisation de l'enseignement scolaire. M. DURUY met en place la gratuité du primaire dans de nombreuses communes.

De 1848 à 1863, le nombre des instituteurs des écoles publiques est presque stable alors que celui des congréganistes est multiplié par 5 mais les premiers restent au moins encore 5 fois plus nombreux, environ 40.000 pour moins de 8.000.


À partir de 1870, l'école devient un outil politique. L'éducation des filles est un véritable enjeu. Faute d'institutrice laïque, 48% des filles des écoles publiques sont formées par des congréganistes. Pour les garçons, ce pourcentage est encore de 13%. Le 9 août 1879, Jules FERRY impose à chaque département d'entretenir deux écoles normales, une de garçon et une fille (c'est nouveau). Le 16 juin 1881, il fait voter la loi instituant la gratuité de l'école primaire et le 28 mars 1882 passe sa loi rendant cette école obligatoire de 6 à 13 ans, laïque et républicaine.

Les maîtres d'école avant J. Ferry, moins bien formés que les religieux, sont souvent rudes avec leurs élèves, ils sont appelés Magister. Avant 1800, il n'y a pas de véritable méthode d'apprentissage pour être maître d'école, il suffit souvent de savoir simplement lire et écrire. Le brevet de capacité n'apparait qu'en 1816 et sera renforcé par la loi Guizot en 1833. A partir des lois de Jules Ferry, les hussards noirs de la République n'ont pas seulement un métier mais aussi une véritable mission. Pour enseigner dans les écoles normales, il faut être bachelier, avoir plus de 21 ans, et plus de 2 ans à un poste d'enseignement à des enfants.

De Jules FERRY à la Première Guerre mondiale, la bataille fait rage entre la congrégation enseignante et les républicains, le fameux petit père Combes fait disparaître de 2.500 études religieuses et l'Eglise doit intervenir pour le respect de la neutralité. Entre 1877 et 1914, le budget de l'instruction publique destiné à construire des maisons d'école est multiplié par 6. De la 1ère guerre à 1932, ce sont les heures de gloire de l'école républicaine : la sélection par le mérite. 

De 1932 à 1958, c'est le lancement d’un véritable enseignement professionnel en France.

Les trois matières essentielles sont la lecture, l'écriture et le calcul. Au cours du 20e siècle, le cours de morale disparaît peu à peu au profit du cours d'instruction civique. Matière oubliée, la couture perdure, par exemple, jusqu'en 1970.

FOCUS : les lois scolaires de Jules Ferry

Dans l'esprit des républicains des années 1880, la consolidation du régime politique né en 1875 passe par l'instruction publique. En laïcisant l'école, ils veulent affranchir les consciences de l'emprise de l'Église et fortifier la patrie en formant les citoyens, toutes classes confondues, sur les mêmes bancs. Cette réorganisation de l'enseignement exige une réforme en deux temps.

Tout d'abord, pour libérer l'enseignement de l'influence des religieux, le gouvernement crée des écoles normales, dans chaque département, pour assurer la formation d'instituteurs laïcs destinés à remplacer le personnel congréganiste (loi du 9 août 1879 sur l'établissement des écoles normales primaires). Parallèlement, les personnalités étrangères à l'enseignement, et notamment les représentants de l'Église, sont exclus du Conseil supérieur de l'instruction publique (loi du 27 février 1880 relative au Conseil supérieur de l'instruction publique et aux conseils académiques). Enfin, l'article 7 de la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l'enseignement supérieur cherche à empêcher les membres des congrégations non autorisées à participer à l'enseignement, qu'il soit public ou libre, primaire, secondaire ou supérieur. Cependant, cette disposition est rejetée par le Sénat, puis par la Chambre des députés.

Cette première phase passée, les républicains poursuivent la mise en place d'une école laïque mais, pour diviser les résistances, ils fractionnent la réforme en deux temps. Ils commencent par prononcer la gratuité de l'école publique (loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l'enseignement primaire dans les écoles publiques) et exigent que les instituteurs obtiennent un brevet de capacité pour pouvoir enseigner dans les écoles élémentaires (loi du 16 juin 1881 relative aux titres de capacité de l'enseignement primaire). Ils affirment ensuite l'obligation de l'enseignement primaire, pour les enfants des deux sexes, de 6 à 13 ans (loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire).

Cette loi sur l'enseignement primaire obligatoire vise deux objectifs : rendre l'instruction obligatoire, bien sûr, mais aussi laïque. En ce qui concerne l'obligation, le texte ne fait que consacrer une série d'efforts qui ont déjà largement porté leurs fruits, même s'il reste encore, en 1878, environ 600 000 enfants non scolarisés. La loi vise les enfants des deux sexes, de six à treize ans. Elle encadre les possibilités d'absence et prévoit un système gradué de sanctions en cas de manquements répétés et injustifiés. Enfin, elle ouvre la possibilité d'inscrire les enfants dans des établissements privés ou de leur faire donner une instruction à domicile. La scolarité est couronnée par un certificat d'études, ou validée par des examens annuels pour les enfants éduqués dans leur famille. 

C'est en matière de laïcité que le texte se montre plus innovant, en supprimant l'enseignement de la morale religieuse au profit d'une « instruction morale et civique ». Il s'agit d'affirmer la neutralité de l'Etat dans le domaine religieux et de séparer la sphère publique de la sphère privée, dans lequel la religion peut trouver sa place. A cet effet, un jour par semaine est réservé, en sus du dimanche, à l'enseignement éventuel du catéchisme.


Dans l'immédiat, les lois scolaires de Jules Ferry apportent peu de changements. Le caractère obligatoire de l'enseignement ne fait qu'entériner un mouvement de scolarisation de masse déjà commencé. La véritable plus-value de ces textes porte sur la scolarisation des filles et des enfants des campagnes, que les parents sont obligés d'envoyer à l'école alors qu'ils préféraient les voir participer aux tâches ménagères ou travailler dans les champs. La loi Camille Sée du 21 décembre 1880 avait déjà fait un pas en ce sens en organisant l'enseignement secondaire des jeunes filles. Quant aux religieux, ils restent en fonction dans les écoles élémentaires après l'obtention du brevet de capacité. C'est la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire qui les en écarte en ordonnant la laïcisation progressive du personnel des écoles publiques.

Sources :

- « Dossier d'histoire : Les lois scolaires de Jules Ferry », www.senat.fr

- Mergnac, Marie-Odile, Brancq, Caroline, Vilret, Delphine, Les écoliers et leurs maîtres en France d'autrefois, 2013, Editeur Archives & culture